Home sweet home

C’est bizarre cet appartement.

Déjà la couche de peinture rouge avec plein de traces, « c’est moi qui l’ai fait », youhou j’suis trop fière. Ok, ok, j’attends la deuxième couche avant de me prononcer.

Hier elle me dit « mais c’est normal Aude, tu l’aime bien l’appart où tu es maintenant, avant t’étais dans un chez-toi que t’étais ravie de quitter ». C’est vrai. Je l’adore cet appart. J’aime mon balcon et m’y assoir, mettre un plaid sur mes épaules (ou plutôt m’enrouler et n’y laisser dépasser que ma tête), et boire un café, le soir. J’aime y être assise et discuter. C’est drôle, j’ai vécu un an et demi ici, et mes meilleurs souvenirs sont cette soirée avec lui, mister pas prêt, et moi seule, parce que je ne connais pas de moment meilleur qu’assise à sentir l’air souffler sur moi en prenant mon café. Mais ça je sais, il y a la cour en bas maintenant, mais bon c’est pas pareil, oh et puis je m’en moque, après tout j’y vais si je veux, s’ils préfèrent n’y laisser que leurs vélos plutôt que s’y arrêter un peu, c’est pas mon problème. J’y amènerais ma table et mes chaises, et ça sera sympa.

Et puis la salle de bain, ça va changer ma vie, une micro salle de bain. Pas de baignoire. C’est pas grave, ça limitera ma consommation d’eau, et pour le reste, j’ai une pièce dressing, oui t’as bien lu, un vrai de vrai. Une chambre en fait, que je consacre à ça. Ne pleure pas, je t’en prie.

Je sais pas pourquoi j’ai cette drôle d’impression. J’y suis bien, là bas, j’y suis vraiment bien. J’aime les défauts de cet appart, j’aime le plancher mal raccordé sur les bords, j’aime tout ça parce que je pourrais le cacher moi-même, peu à peu.

Un appart dans ce type d’immeuble, par contre, j’ai jamais fait. Un peu peur du bruit. Un peu peur d’en faire, aussi. Oui bon tu m’as compris.

Cet appart je l’adore, mais j’ai cette espèce d’impression bizarre, celle de la mauvaise surprise en attente.

J’en sais rien, p’têtre que je cherche juste la petite bête. P’têtre que je cherche juste à identifier le fait de tout faire seule, du début à la fin. La décision de partir on me l’a pas imposée, je l’ai prise moi-même, en attente de ma décision Glasgownienne, et parce que là bas c’est loin, j’en peux plus de ma vie entre deux. C’est quand même ironique, regretter un appartement où on n’est jamais.

Il y a l'excitation délicieuse de la découverte, l'appréhension du quotidien. Parce que cet appartement, je le prends pour m'y poser, m'y assoir, y vivre. Ma vie aujourd'hui, "en transit", toujours ailleurs, à ne plus me souvenir ce que j'ai fait la veille, elle m'épuise. Mais elle me plaît aussi tellement. J'ai une grande peur de l'ennui, de ne pas vivre à fond. Rattraper le temps perdu, ça existe pas, faut juste essayer de profiter de celui qu'on a.

Et puis je regarde ma vie et je me dis, « t’as fait tout ça, t’as réussi ». Et au lieu d’être fière, y a cette espèce de honte, ce drôle de sentiment du « j’ai pas le droit d’être ici », parce qu’on t’as répété que tu pourrais pas, que t’étais pas assez bien. Le plus dur finalement, c’est de se voir soi-même à la hauteur. 1m60, déjà, ça limite pas mal.

Pourtant tu vois, je suis fière.

Et puis ça fait des jours, des jours que je regarde le canapé qui m’attends. Des jours que j’ai qu’une envie, installer tous mes meubles, ranger toutes mes affaires, m’enrouler sur le canapé géant, mettre un plaid sur mes épaules…et le boire, ce café.

J’ai hâte.

Comments

[mjsylvie]

Savoir tourner la page et hop, on repars à zéro pour mieux la vivre notre vie parce qu'elle vaut la peine, finalement. Bon courage!